Deux ans après le scandale du “Qatargate”, le Parlement européen a décidé de prendre sa sécurité en main. Face à l’émergence de nouveaux acteurs d’influence, des dispositifs ont été mis en place pour remédier aux problématiques de corruption et de déstabilisation que subit l’institution depuis des années.
« Non seulement le pouvoir corrompt, mais nous avons tendance à y placer des individus corruptibles ».
Brian Klaas, politologue
Le 9 décembre 2022, c’est avec stupeur que Bruxelles s’est réveillée lorsque la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, eurodéputée grecque depuis de nombreuses années et figure respectée de l’hémicycle, a été retrouvée avec près de 150 000 euros en coupures liquides à son domicile. L’élue est en effet soupçonnée d’avoir été financée par le Qatar pour orienter un certain nombre de décisions européennes. Le phénomène est bien connu au sein de l’institution ; la Chine, les Etats-Unis ou encore la Russie, nombreuses sont les grandes puissances ayant déjà tenté de déstabiliser les pays européens pour optimiser leurs intérêts.
Des enjeux dont les euro-députés assurent avoir pris pleinement conscience depuis 2023. Le règlement intérieur du Parlement européen a notamment été revu en profondeur afin de renforcer « les règles en matière d’intégrité, de transparence et de responsabilité ». La création d’un organe éthique européen, chargé de veiller aux respect et à l’application des normes communes en matière de transparence, a permis à l’UE de se donner les moyens humains et juridiques pour se défendre contre la corruption.
Les élus sont quant à eux soumis à des contrôles stricts depuis le 1er novembre 2024, et doivent notifier toutes les autres activités rémunérées au-delà de 5000 euros par an, en indiquant le domaine et le travail réalisé aux autorités compétentes. Ils sont également obligés de déclarer leur patrimoine au début et à la fin de chaque mandat, permettant une veille attentive des fluctuations économiques suspectes afin de les prévenir le plus en amont possible. Il en va de même des rencontres entre députés et lobbyistes (notamment dans le cadre des “groupes d’amitiés”) : celles-ci sont désormais expressément surveillées avec l’obligation d’être publiées en ligne par le parlementaire concerné. Idem pour les groupes de soutien, qui ne sont plus financés par le Parlement européen et doivent ainsi déclarer leurs aides.
Une guerre silencieuse ?
“La guerre, ce n’est que la continuité de la politique par d’autres moyens”.
Carl von Clausewitz
L’affaire du Qatargate montre un point de bascule dans la représentation des conflits entre les grandes puissances mondiales. Contrairement à une offensive commerciale à l’image de celle orchestrée par Donald Trump, cette nouvelle guerre hybride offre des moyens de pression supplémentaires venant fragiliser un peu plus les ambitions européennes. On y retrouve l’emploi de méthodes bien plus insidieuses, fondées entre autres sur “le brouillage volontaire des frontières entre la guerre et la paix, le civil et le militaire, l’État et les acteurs non étatiques” (Frank Hoffman, théoricien de la guerre hybride). Une guerre qui, sans faire de bruit, redéfinit les relations entre les grandes puissances en posant plus que jamais la question d’une véritable souveraineté européenne. Un constat renforçant la conviction du président français Emmanuel Macron, qui plaide pour que l’Europe se dote enfin de ses propres « géants du numérique ».