Depuis l’élection de Donald Trump, le propriétaire de la plateforme X multiplie les attaques et les diatribes à l’égard de personnalités politiques du vieux continent. Sur son réseau, il n’hésite pas à railler, à menacer ou discréditer quiconque n’a pas ses faveurs. Et affiche sans complexe son penchant pour l’extrême droite.
Intervention en pleine campagne législative en Allemagne
Si l’implication d’Elon Musk dans la promotion d’un agenda plus agressif n’a rien d’étonnant, elle s’avère néanmoins préoccupante lorsqu’elle prend des allures d’ingérence. D’autant plus compte tenu du soutien porté par l’homme le plus riche de la planète au parti d’extrême droite allemande, « Alternative für Deutschland » (AfD), comme en témoignait, entre autres, sa tribune publiée dans le quotidien allemand Die Welt. Le mouvement, dont la popularité grimpe concomitamment à sa médiatisation, serait selon Elon Musk le seul à même de « sauver l’Allemagne ».
Sur son réseau X, le multimilliardaire avait ensuite convié Alice Weidel, cheffe de file de l’AfD, à échanger en direct durant plus d’une heure. Un débat suivi par plus de 200 000 utilisateurs, qui a rapidement « tourné en exercice de pure propagande », soulignait le quotidien belge L’Écho, et dans lequel on apprit des « choses étonnantes sur l’Allemagne » ironisait la Süddeutsche Zeitung, très populaire quotidien bavarois.
Ce véritable spot publicitaire offert par Musk, financier à hauteur de 270 millions de dollars de la campagne de Donald Trump, en dit long sur la dynamique qu’il semble vouloir enclencher. Il en va de même des intérêts économiques et idéologiques qu’une éventuelle arrivée au pouvoir de l’AfD, ou de ses homologues européens, représenterait pour lui.
Imposer une idéologie et une vision économique
Car la concordance entre ses ambitions de businessman, son action politique et sa force de frappe médiatique posent légitimement la question des conséquences démocratiques des relations que Musk entretient avec les décideurs. Notamment lorsqu’il traite l’ancien commissaire européen Thierry Breton de « tyran de l’Europe » quand celui-ci rappelle le règlement européen sur les services numériques (DSA).
Ou lorsqu’il met en scène son « amitié » avec Giorgia Meloni. La première Ministre italienne et son « précieux génie » s’étaient rencontrés à Rome en juin 2023. Depuis, elle courtise les investissements des géants de la tech, dans le but de dynamiser une croissance faible et contrer le déclin démographique italien. Grâce aux relations privilégiées qu’entretiennent Meloni et le nouveau président Trump – elle était d’ailleurs la seule dirigeante européenne présente à son investiture le 20 janvier, et lui avait secrètement rendu visite à Mar-a-Lago le 4 janvier – des marchés, aux sous-entendus très politiques, seraient actuellement négociés entre le magnat de la tech et le gouvernement italien.
Comme le relatait Le Monde en novembre dernier, Rome scrute d’un œil avisé ce que pourrait lui apporter les entreprises de Musk. Selon l’agence Bloomberg, les négociations concernant l’adoption du réseau Starlink par l’Italie auraient récemment repris. Prévu pour « sécuriser les communications gouvernementales et militaires », un contrat de 1,5 milliards d’euros serait sur la table. Dans un secteur spatial où l’Union européenne est déjà très en retard, cet accord porterait un coup à son idéal d’autonomie et de souveraineté.
Cette attitude toujours plus offensive depuis l’élection de Trump (pour qui il est chargé de « l’efficacité gouvernementale ») dépasse d’ailleurs le strict cadre de l’Union européenne, puisque Musk appelle quotidiennement à la démission du Premier ministre britannique, Keir Starmer, en l’accusant « d’apologie du viol génocidaire » et d’avoir couvert un réseau d’exploitation de mineures en Angleterre.
Les réactions varient du côté des principaux concernés. Le chef du gouvernement britannique a par exemple mis l’accent sur « ceux qui propagent mensonges et désinformation ». Emmanuel Macron a, quant à lui, dénoncé « l’internationale réactionnaire » dans laquelle s’engouffrait Musk pendant que Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, avait exhorté la Commission européenne à une « plus grande fermeté ». Outre-Rhin, à l’approche des élections législatives, la situation a d’autant plus préoccupé la classe politique allemande compte tenu de la couverture offerte à l’AfD. De quoi pousser la Commission européenne à agir. Une commission d’enquête européenne a ainsi rapidement été lancée pour interroger la transparence et les potentielles manipulations algorithmiques de X, en ordonnant à la plateforme la remise de ses documents sur les algorithmes. Une décision qui s’inscrit pleinement dans cette inquiétude grandissante face à l’influence des algorithmes sur les processus politiques et électoraux européens.
Ce lundi, lors de la cérémonie d’investiture de Donald Trump au Capitole, Elon Musk semblait pourtant euphorique. Au point de se permettre deux gestes qui ressemblaient étrangement à des saluts nazis.