Une lettre ouverte adressée à Ursula von der Leyen, signée par 46 dirigeants de grandes entreprises européennes, relance le débat sur la mise en œuvre du règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act). Parmi les signataires, figurent les PDG de TotalEnergies, Airbus, Carrefour, Dassault Systèmes, Lufthansa, Siemens ou encore Mistral AI.
Tous appellent à une suspension de deux ans du calendrier réglementaire, jugeant que cette régulation pourrait freiner la compétitivité de l’industrie du continent, à rebours de l’objectif affiché d’une souveraineté numérique européenne.
Cette offensive des grands patrons européens fait écho aux efforts de lobbying déployés depuis plusieurs mois par les géants américains de la tech, qui demandent eux aussi un assouplissement du texte. OpenAI, Meta ou Microsoft ont critiqué les exigences de transparence, notamment sur les données utilisées pour entraîner leurs modèles, invoquant le risque d’atteinte au secret industriel. L’administration Trump elle-même a récemment menacé l’UE de représailles commerciales, jugeant le règlement « discriminatoire » envers les entreprises américaines.
La Commission européenne n’a pas encore tranché. Henna Virkkunen, commissaire à la souveraineté technologique, a indiqué qu’elle déciderait avant la fin août si l’AI Act devait être retardé ou non.
Certains observateurs dénoncent une tentative de dérégulation rampante au nom de la compétitivité. Selon eux, le risque serait de retarder la mise en place de garde-fous éthiques face à des technologies à fort potentiel de discrimination ou de surveillance.
La présidence polonaise du Conseil de l’UE s’est également prononcée en faveur d’un réexamen de l’AI Act, dans le cadre d’un chantier plus large de simplification réglementaire. Ce signal institutionnel s’ajoute aux nombreuses pressions actuelles pesant sur le calendrier d’application du règlement.