Pour améliorer la qualité de l’eau potable, Michèle Rivasi, députée européenne EELV, est convaincue qu’il faut repenser le modèle agricole actuel et se tourner vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Entretien.
Comment qualifierez-vous la qualité de l’eau sur le territoire européen ?
Si nous prenons le cas des nitrates, il reste beaucoup à faire. La France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE en 2013 pour des taux de nitrate trop élevés dans l’eau potable. Ceci montre bien l’urgence de repenser notre modèle agricole. Les nitrates proviennent, entre autres, du recours aux engrais. Les eaux sont aussi contaminées par les pesticides, notamment des substances comme l’atrazine, toujours présente, alors qu’elle est interdite depuis 2001.
Il faut donc accompagner les agriculteurs pour cultiver autrement. Beaucoup plus de financements doivent être mis à leur disposition pour se tourner vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Les agriculteurs en ont envie, il faut leur en donner les moyens.
Pensez-vous que le rôle de l’eau a suffisamment été pris en compte dans le dernier accord sur le climat (COP21) ?
Si l’on lit l’accord final de la COP 21, le mot « eau » n’y apparait pas, cela est très préoccupant. Je considère l’eau comme une ressource qui doit être accessible à toute et tous, c’est d’ailleurs pour cela que je m’étais mobilisée aux côtés de Danielle Mitterrand et sa Fondation France-Libertés pour faire reconnaître l’eau comme un bien commun de l’Humanité. C’est d’autant plus important que cette ressource est parfois utilisée comme une arme de guerre. C’est ce que fait par exemple Israël avec les Palestiniens en restreignant leur accès à l’eau. Plus généralement, je préconise une gestion publique de l’eau qui n’est pas une marchandise avec laquelle on peut faire du profit. Dans ma ville à Valence, nous avons repris la gestion de l’eau à Véolia, c’est maintenant la collectivité qui la gère.
La France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour des taux de nitrate trop élevés dans l’eau potable.
Vous avez participé à la déclaration écrite sur la compatibilité de l’extraction de pétrole avec la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Vous faites un lien entre le forage et la pollution de l’eau. Quelle est la situation actuellement en Europe ?
En Europe, c’est surtout de l’extraction offshore que proviennent les ressources indigènes en gaz et en pétrole, il n’y a donc pas d’impact direct sur l’eau potable mais parfois des conséquences irrémédiables pour la biodiversité. Quant au charbon, il entraîne des problèmes de pollution et de surconsommation de l’eau, tant au moment de l’extraction que de la combustion. Ma prise de conscience du lien entre le forage d’hydrocarbures et la pollution de l’eau vient surtout du combat mené contre les gaz de schiste, encore peu développés en Europe, mais qui nécessitent des quantités faramineuses d’eau. Il est impossible de filtrer convenablement les effluents liés au recours à la fracturation hydraulique, car ils contiennent des métaux lourds et des isotopes radioactifs.
Concernant l’effet du nucléaire sur l’eau, la directive 51/EURATOM, prise en 2013 par le Conseil, impose aux Etats membres d’élaborer des programmes de contrôle des substances radioactives dans les eaux destinées à la consommation humaine. Trois ans après, quels en sont les résultats ?
Tout d’abord, le traité Euratom est antidémocratique. Le Parlement n’a qu’un droit de regard concernant les décisions prises dans ce cadre et les experts qui fixent les limites de contamination radioactive ne publient pas leur déclaration d’intérêts. Comme j’ai pu le pointer dans mon rapport, pourtant approuvé par le Parlement européen, les doses maximales autorisées sont beaucoup trop élevées pour protéger convenablement la santé humaine, et notamment les plus fragiles (enfants et femmes enceintes).
Plus globalement, quel est le niveau d’engagement du groupe Les Verts/ALE au Parlement européen concernant l’eau ?
Nous avons ardemment soutenu l’Initiative citoyenne européenne pour reconnaître le droit humain à l’eau et à l’assainissement. C’est la première chose, l’eau doit être accessible. Mais elle doit être aussi de qualité. Voilà pourquoi nous nous battons pour promouvoir l’agriculture biologique et les énergies renouvelables plutôt que l’utilisation massive de pesticides et engrais ainsi que le recours à l’extraction de pétrole et de gaz de schiste. Nous agissons aussi directement dans la législation pour réguler au mieux les effluents des usines, trop souvent rejetés dans les cours d’eau au prétexte que la pollution se dilue dans des grands volumes d’eau.
Retrouvez l’intégralité de l’interview dans le numéro 21.